Notes sur le retour de la Russie au Moyen-Orient
Le 22 février 2012, Israël Shamir, correspondant pour la Lettre d’Information CounterPunch à Moscou, publiait sur le site CounterPunch.org un texte à propos de ce qu’on pourrait nommer >le mémorandum Vinogradov<. Il s'agit de Vladimir M. Vinogradov, qui fut ambassadeur de l'URSS au Caire de 1970 à 1974, avant d'occuper diverses autres fonctions témoignant d'une carrière diplomatique brillante, jusqu'à terminer comme ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie du temps de la fin de l'URSS, jusqu'à sa retraite en 1990.
Shamir a reçu le >mémo Vinogradov< par une voie qui lui est propre, et il nous le présente comme un document essentiel datant de 1975. Le document démonte la conspiration qui engendra la >guerre d’Octobre< ou >guerre du Yom Kippour<, d'octobre 1973, commençant par une attaque apparemment coordonnée d'Israël par la Syrie et l'Egypte le 6 octobre 1973, et se terminant par un cessez-le-feu entre Egypte et Israël, effectif entre le 24 et le 26 octobre 1973, après que la Syrie ait été défaite par Israël.
C’est pourquoi les sens avertis des guetteurs des signes essentiels, dans une époque dont on sent bien le caractère effectivement essentiel, devraient distinguer dans la position russe, dans l’interventionnisme russe, dans tout ce que cette incidente puissante fichée dans le cours du flux d’entropisation du Système apporte de force antiSystème, ce qu’on pourrait désigner comme >le vent de la métahistoire<, comme l'on disait >le vent de l’histoire<, mais en bien plus haut. A ce point, on comprendra aussitôt qu'il importe peu que ce soit les Russes qui tiennent le rôle qu'ils tiennent, – sauf que, pour l'instant, seuls les Russes le peuvent. Ils sont, dans cette occurrence, manifestement, le choix de la métahistoire.
Tous les caractères >réalistes< habituels de la politique russe, son goût de l'ordre, de la non-ingérence, de la hiérarchie et de l'autorité des positions, etc., conduisent à faire tenir ce rôle à la Russie. Ces caractères, si souvent dénoncés par les romantiques et les belles âmes humanitaires, prennent en effet un autre poids et une autre signification dans le contexte du désordre dissolvant actuel. Si l'on peut y voir des attitudes brutales, sinon sordides dans certaines circonstances, qui sont d'ailleurs pour nous des circonstances trompeuses de la modernité, on y trouve par contre dans d'autres circonstances, qui sont celles de la lutte contre le vrai désordre dissolvant de la même modernité, une dimension principielle fondamentale. C'est le cas aujourd'hui, en Syrie. Le jeu de l'évolution si rapide des situations, du passage du contexte historique au contexte métahistorique, a conduit la Russie à devenir, sans qu'elle l'ait cherché nécessairement, sans qu'elle l'ait réalisé aussi précisément, défenderesse acharnée de certains principes, – la souveraineté, certes, c'est-à-dire la légitimité, en sont les principaux.
En d’autres mots et pour en revenir, nous, au prétexte principal du propos, la Russie qui >revient< au Moyen-Orient n'est vraiment plus l'URSS qui en fut expulsée en 1973-1975. Les temps ne sont plus du tout les mêmes. Nous aussi, nous avons bien changé.