Un GAO maistrien
26 juin 2008 On commence à mesurer l’effet du rebondissement qu’a connu aux USA le programme KC-45 avec le verdict du GAO condamnant l’USAF pour ses erreurs dans le processus de sélection de la proposition EADS/Northrop Grumman. Une nouvelle publiée par Aviation Week & Space Technology (AW&ST) du signale, d’un grand aggiornamento des relations transatlantiques en 2009, est inévitable. Elle est amplement justifiée.) De ce point de vue, l’enquête du GAO et sa conclusion, qui remettent radicalement même si indirectement ce choix en question, sont une catastrophe. C’est une catastrophe qui nous renvoie à l’extrême Là aussi, comme dans toutes les relations systémiques aujourd’hui, parce que notre système est aux abois, il y a une situation de montée aux extrêmes. (On voit ce phénomène de montée aux extrêmes dans diverses situations, particulièrement aux USA et le plus souvent en référence aux USA.)
Le choix de l’USAF de EADS pour son programme KC-45 était déjà un choix extrême, un choix unique, sans précédent pour un programme de cette importance, choix du à une situation également unique, notamment la crainte (paradoxale quand on voit le résultat) de l’USAF de retomber dans les scandales qu’elle avait connus avec Boeing. Ce choix fut, à son tour, interprété d’une façon extrême. Les pro-américanistes européens, expression qui est évidemment un considérable pléonasme, y virent aussitôt une sorte de signe du Ciel, la preuve que Washington, ou l’USAF en l’occurrence, était touché par la Grâce de la vertu d’une vraie coopération transatlantique. (Insistons au passage, expliquant ainsi notre réticence à utiliser des mots tels que relance ou résurrection de la coopération transatlantique: bien sûr, il n’y eut jamais de véritable coopération transatlantique, notamment et évidemment dans ce domaine de l’armement et de l’aérospatiale. On ne coopère pas avec les USA, on suit les directives des USA.)
D’un autre côté, cette Grâce, une fois qu’Elle est acquise, conditionne absolument le projet de coopération. Si Elle est répudiée, fût-ce par la vertu du GAO, c’est toute la mystique et la nécessité de la coopération qui s’effondrent. Pire encore, ce prolongement extrême de la situation renvoie à une réaction extrême. Les fiévreux avocats de la coopération transatlantique qui balayaient d’un revers de main méprisant l’idée devenue relaps d’une préférence européenne se trouvent pris à leur propre logique extrémiste, quasi-religieuse, et presque forcés, à cause de la trahison américaniste, d’admettre que la nouvelle situation vaut bien qu’on agite désormais, et le plus sérieusement du monde, l’idée d’une préférence européenne qui est l’autre extrême de la situation. («Access to the European defense market for U.S. companies could be one of the first areas where the GAO decision will leave its mark. [] One step that now seems increasingly likely is insertion of a European preference clause for European Union-wide defense procurement rules being established.»)
Montée aux extrêmes sans aucun doute. Nous avons toujours pensé et écrit que le mouvement de rapprochement des USA, tel que celui qui est en cours, allait se heurter au mur de béton, au rideau de fer, hé hé? de l’incapacité US de seulement concevoir, par la conformation psychologique de l’américanisme, la coopération selon l’entendement fondamental de la chose. Au plus l’on cherche à se rapprocher des USA, au plus la désillusion sera brutale et prendra la forme d’une rupture. Cela est une fatalité organique, psychologique et historique de la situation, il suffit de bien comprendre ce qu’est l’Amérique pour le comprendre. Au plus nous nous rapprocherons de la grande proximité amoureuse et transatlantique dont nous rêvons, au plus l’alliance est menacée absolument dans ses fondements.
Cette montée aux extrêmes des situations et, pire encore, des sentiments, est aujourd’hui en pleine lumière. Le GAO et la malheureuse USAF ont apporté une première fondation à cette terrible désillusion qui va secouer l’axe du monde (l’ex-centre du monde, selon Mandelson). Le fracas est considérable, même s’il effleure à peine la grande presse officielle chargée de nous tenir informés de l’état des illusions du monde. Les petits hommes transatlantiques aux vastes idées bien plus larges qu’eux-mêmes seront donc les instruments inconscients de l’écroulement de cette immense entreprise faussaire. Où va se nicher la manipulation maistrienne de l’Histoire du monde