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La subversion de la laideur

La laideur triomphante est le résultat de la déstructuration du monde, on peut même dire qu’elle est déstructuration du monde. (En plus qu’elle l’alimente elle-même, bien sûr, jouant sa fonction de cause à effet.) Elle l’est physiquement, graphiquement et selon les ruptures des volumes, des droites et des harmonies, des accords de tonalité, des équilibres des masses et des formes, des balances entre rythme et mélodie, etc. Elle a transformé et transforme très rapidement l’environnement physique et social en une sorte de paradoxal >chaos organisé<.

Dans cette situation et selon une évolution logique qu’on n’a aucune peine, ni à comprendre ni à imaginer, cet effet déstructurant agresse évidemment la psychologie humaine. La laideur triomphante devient inspiratrice et maîtresse de cette psychologie. Elle forme son univers et tend à remplacer la nature du monde. Sa puissance implique un caractère quasiment irrésistible pour une majorité importante des psychologies. Cela est d’autant plus évident que son effet principal est l’émollience, l’affaiblissement et la réduction des défenses (notamment l’esprit critique, au profit du conformisme). Le cycle est vicieux: les psychologies conquises par la laideur triomphante sont affaiblies à mesure et voient leur capacité de résistance réduite.

Pour autant, la résistance n’est pas éteinte. Rejetée dans la dissidence, elle peut utiliser des outils d’une grande puissance du système pour lui résister, surtout dans le domaine de la communication. Cette résistance, comme c’était déjà évident au XIXème siècle avec les prises de position de nombre d’artistes, est notamment de type esthétique, en refusant les laideurs innombrables du système.

Cette analyse conduit à l’hypothèse que l’esthétique est plus que jamais au centre des valeurs essentielles et qu’il s’agit en plus d’une valeur bien plus riche qu’on ne croit. Elle est affirmation du beau bien entendu, mais encore santé de la psychologie et sauvegarde de l’âme.