Notes sur des complots et du désordre
29 mai 2013 – Ce que nous voulons présenter est la situation d’un courant qui n’est pas nouveau mais qui ne cesse d’enfler malgré les tentatives qui sont faites pour l’ignorer, le condamner, le réduire, le détourner, le ridiculiser. On pourrait même parler d’un tournant dans l’évolution de l’écho et de l’effet déstabilisant de ce courant. Notre but n’est certainement pas ici de déterminer la véracité du contenu de ce courant mais d’observer les effets qu’il entraîne.
Initialement, le courant dont nous parlons est celui du >complotisme< (ou encore >conspirationnisme<, – mot qui vient d'entrer dans le nouveau Robert). On y ajoutera la situation de ce qu'on nomme >presse alternative<, par laquelle notamment transite l'essentiel du complotisme. (Bien entendu, la presse alternative ne peut en aucun cas être réduite au complotisme, contrairement à la présentation-Système qui en est souvent faite.) Dans tous les cas, il doit être bien compris que notre approche du complotisme est à comprendre dans des limites parfaitement définies ; nous les avons déjà précisées dans notre F&C du 26 avril 2013, que nous citons ci-après :
«Précisons aussitôt notre position, qui ne varie pas puisqu’elle s’appuie sur le principe opérationnel essentiel de notre action qui est de juger tactiquement des événements, des circonstances et des acteurs qui y sont impliqués selon le seul principe de l’antiSystème : tout ce qui est antiSystème est bon, mais dans la seule mesure de ce caractère antiSystème et pour le temps que dure ce caractère antiSystème. (Cette dernière restriction n’en est pas vraiment une du point de vue intellectuel ; le phénomène qui est le plus fondamentalement antiSystème est le Principe, c’est-à-dire la force structurante par excellence ; ce privilège que nous accordons et réservons au >caractère antiSystème< n'est donc pas une restriction mais la reconnaissance d'une avancée, plus ou moins profonde et plus ou moins durable, absolument vertueuse.) Ce qui nous attache dans le cas considéré ici n'est ni le sort du >complotisme< (sérieux, pas sérieux ? Utile, inutile ? Innocent, dangereux ? Etc.), ni quelque théorie ou l'autre, d'un >complot< ou pas, etc. Ce qui nous intéresse c'est le statut que les événements ont imposé, concernant une activité absolument mise à l'index, et qu'il devient acceptable de considérer ; une activité qui, quoi qu'on pense d'elle (et notre attitude sur le fond vis-à-vis du >complotisme< est, on le sait, notablement réservée selon notre principe d'inconnaissance), a, d'une façon générale souvent indirecte d'ailleurs, un effet antiSystème indéniable, et donc activité vertueuse pour ce fait et dans cette mesure précisément. (Lorsque nous disons >d’une façon générale souvent indirecte<, nous voulons dire que c'est moins telle ou telle théorie du complot, dans sa signification opérationnelle autant que conceptuelle, qui est pour nous réellement antiSystème, que le très fort mépris implicite, même pas exprimé mais comme allant de soi, ce qui est beaucoup plus cruel et dangereux, que cette activité du développement de la théorie du complot dénote vis-à-vis des narrative du Système.)»
Nous avons essentiellement, sinon exclusivement parlé de la scène américaine. L’activisme complotiste est surtout évident et proliférant dans le système de la communication ; or, il s’agit d’un univers soumis directement à la pression de l’américanisme dont on sait qu’il est constitué pour une partie massive de lui-même de l’activité de communication. Le fait est à la fois ontologique et historique (constitution des USA, massivement grâce à l’emploi de la communication), et il répond à la psychologie naturellement anti-étatiste du citoyen américain. Les mêmes tendances (complotistes) existent pourtant dans les autres pays du bloc BAO, d’une façon moins spectaculaire, mais ce sont bien les USA qui mènent la charge dans l’occurrence que nous décrivons parce que cette charge se fait au niveau de la communication justement.
D’une certaine façon, c’est le développement du Système lui-même qui est directement responsable de ce développement, puis de cette banalisation agressive du complotisme. Ce développement et cette banalisation doivent d’abord être appréciés (voir nos observations de départ, ci-dessus) comme une réaction antiSystème. Or, c’est bien l’activisme de plus en plus chaotique du Système, depuis 2008, qui est ici considéré ; et cet activisme chaotique se marque par une prolifération extraordinaire d’initiatives, d’opérations clandestines ou covert, de narrative et de tromperies dans l’information, tout cela produit d’une façon effectivement chaotique et de moins en moins coordonnée, maîtrisée, si ce l’est encore.
Le Système révèle lui-même son désordre extraordinaire et il révèle par conséquent le pullulement de ses activités clandestines et illégales qui pourraient effectivement être interprétées comme des >complots< en son sein ; c'est de cette façon qu'est suscité le >complotisme< antiSystème, et qu'il gagne droit de cité, parce qu'il correspond à des réalités dont l'interprétation précise reste ouverte, parce qu'il comble un vide qui est celui de la retraite et du désordre du Système. La réserve fondamentale que nous émettons, – fondamentale mais sans beaucoup d'importance opérationnelle dès lors que le >complotisme < aboutit à être antiSystème, – est que le complotisme interprète d'une façon beaucoup trop rationnelle, beaucoup trop maîtrisée, des activités clandestines et illégales (>complotistes<) du Système qui sont d'abord chaotiques, sans maîtrise centralisée, reflet absolument de son désordre proliférant. C'est faire bien trop d'honneur à la capacité de maîtrise du si médiocre et si bas sapiens-Système.
Si l’on veut, chaque opération clandestine ou initiative faussaire et trompeuse du Système, qui est le plus souvent lancé à partir d’initiatives spécifiques des acteurs impliqués et sans souci de coordination, pourrait être sinon devrait être assez justement interprétée comme un >complot< au sens large du mot ; mais l'ensemble est complètement chaotique, souvent antagoniste et annihilateur de lui-même, sans aucune maîtrise de direction et de coordination. Selon la doctrine du globalisme qui implique la transmutation, on dirait que la globalisation de la multitude de complots parcellaires effectifs du Système ne donne pas un complot général mais se transmue en quelque chose d'autre ; et le résultat de cette transmutation est évidemment l'exposition pathétique du désordre évidemment global qui est devenu l’essence (ou la contre-essence) du Système en processus d’autodestruction. A ces stades élevés et au stade suprême, ceux qui comptent le plus, c’est donc le contraire d’un >complot< puisque c'est le désordre finalement intégré en une situation fondamentale du pullulement des complots-Système finalement autodestructeurs. Encore une fois et pour conclure, peu importe : puisque l’incitation (les activités clandestines pullulantes du Système) existe, le complotisme lui répond et gagne droit de cité ; son existence per se est complètement antiSystème, quelque contestable soit la signification qu’il voudrait se donner.