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Verdun et les 3 cercles de l’enfer

Verdun et les 3 cercles de l’enfer

Le 10 juin 2008, nous publiions une analyse (dans cette rubrique) offrant une nouvelle interprétation de la Première Guerre mondiale, sous le titre: >A un siècle de là<. Aujourd'hui, nous précisons et nous élargissons à la fois notre propos, en le centrant sur la bataille de Verdun, >la plus grande bataille de tous les temps<. C'est une démarche caractéristique du phénomène >contraction-élargissement< qu'on constate par ailleurs à propos de nos crises présentes: contraction (donc, précision) sur un point précis et exemplaire (Verdun) du cas général (la Grande Guerre), élargissement du domaine à la crise générale de la modernité, – soit, Verdun comme une sorte de >point-omega< de la crise générale.

Nous ne cachons pas une seconde que l’expérience vécue, aboutissant au livre et objet d’art photographique Les âmes de Verdun, dont nous vous avons parlé, a joué un rôle essentiel dans cette réflexion.(1) L’émotion du souvenir, l’émotion esthétique de l’histoire retrouvée dans sa forme tragique reconstituée, sont de formidables moteurs pour l’intuition qui devrait être le grand guide de l’Histoire; certes, nous la préférons, lorsqu’elle s’appuie sur la connaissance bien tempérée, aux décomptes d’apothicaire des instituts universitaires et scientifiques qui prétendent s’emparer de l’histoire et qui nous ont conduits à la catastrophe intellectuelle et historique qu’est notre temps, – là où ils ne comprennent plus rien de ce qui nous arrive tout en prenant l’air entendu à ce propos.

Notre propos est très ambitieux puisqu’il implique une proposition de restructuration complète de l’histoire de notre temps. Il s’agit de cette époque que nous serions tentés de désigner comme l’>ère technologique<, que certains scientifiques ont désignée comme une nouvelle ère géologique marquée par l'action de l'homme. (>Anthropocène<, ère géologique commencée à la fin du XVIIIème siècle avec l'introduction de la machine et de la thermodynamique.) La bataille de Verdun trône au coeur de ce schéma, à la fois référence et illustration.

Il y a quelque chose à la fois de profondément émouvant et de très puissant pour la conviction, à considérer qu’une telle appréciation métahistorique d’un temps historique comme élément d’une continuité qui remonte à plusieurs siècles et passe par Verdun, peut être suscitée par des visites sur les lieux de la bataille tels qu’ils sont entretenus et restaurés. Cela justifie l’ambition de l’entretien des lieux du passé comme politique à part entière, bien plus que les considérations formelles habituelles. Ce fut notre cas.

Au sortir d’une telle aventure intellectuelle dont le socle incontestable est la dimension de l’émotion poignante et tragique ressentie devant la représentation du souvenir (la visite à Verdun), vous ne pouvez empêcher le constat que notre système souffre, parmi tant d’autres travers, de ne plus reconnaître ni comprendre son histoire, pour avoir réduit Verdun à ce qu’on en fit si souvent depuis la bataille. Notre système semble n’avoir conçu, pour survivre, qu’une sorte de lobotomie éradiquant la fonction de l’émotion devant la nature de l’histoire du passé, au profit de l’émotion pour les exigences de l’idéologie d’aujourd’hui. Nous fabriquons notre histoire pour répondre au diktat de notre situation présente. C’est une imposture nihiliste.

Note

(1) A propos des âmes de Verdun: vous n’avez pas tous acheté ce livre, nous en sommes sûrs. Comblez au plus vite cette lacune en passant votre commande accompagnée d’un virement bancaire de 32 euros pour un exemplaire au compte 271-0087002-25 (Belgique) des éditions Mols; autre suggestion, allez donc sur notre site http://www.lesamesdeverdun.com/, vous pouvez également y passer commande… Ou bien, classiquement, demandez-le à votre libraire: Les âmes de Verdun, préface de Yves Mollard La Bruyère, texte de Philippe Grasset, photos de Michel Castermans et Bernard Plossu.