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Que faire?

Dans sa première longue interview depuis son élection, dans le programme 60 Minutes de CBS le 16 novembre, le président Barack Obama a rapporté certaines réflexions et attitudes psychologiques qui, à la fois, témoignent de l’extrême difficulté de sa présidence et rendent compte de l’extraordinaire complexité de la situation actuelle, que ce soit la situation aux Etats-Unis ou la situation mondiale. Le fait le plus remarquable dans ces déclarations est ce point où Obama rapporte qu’à plusieurs occasions, il s’est demandé par quoi commencer? parmi les multiples crises pressantes qui existent, quant au choix de la priorité à faire. La chose était entrecoupée de réflexions assez classiques sur la solitude de la fonction de président, qui prennent évidemment toute leur importance en fonction de ce cadre de crise générale.

C’est le Guardian du 17 novembre qui rend compte de l’interview et de ces aspects plus précisément.

«In his first interview since the election, Obama acknowledged the daunting nature of assuming office at a time of war and global economic crisis. The challenges that we are confronting are enormous and they are multiple. And so there are times during the course of a given day where you think: Where do I start in terms of moving moving things forward?’, the president-elect told CBS television’s 60 Minutes programme.

»He said conversations with past presidents had persuaded him there was a certain loneliness to being in the White House. You’ll get advice, and you’ll get counsel, he said. Ultimately, you’re the person who’s going to be making decisions. And and I think that even now, you know, I … you can already feel that fact.»

L’interview rend compte également du choix finalement fait, après toutes ces interrogations. La réflexion de Barack Obama interrogé rejoint alors l’évidence de la chronologie, lorsque la crise financière du 15 septembre et la suite se sont imposées à son esprit comme constituant évidemment les priorités pour la nouvelle présidence. Suivent alors quelques réflexions sur les principes de ce que devrait être son action.

»It became apparent, however, that the economy would remain the most pressing concern of the 64 days remaining until Obama takes office on January 20, and once he enters the White House.

»Obama brushed aside comparisons between the current crisis and the Great Depression of the 1930s. He also ruled out a New Deal type solution but said he wanted to send a message to Americans that we’re going to be thinking about them and what they’re going through. For us to simply recreate what existed back in the 30s in the 21st century I think would be missing the boat, Obama said. I think the basic principle that government has a role to play in kick-starting an economy that has ground to a halt is sound. I think our basic principle that this is a free market system and that that has worked for us, that it creates innovation and risk taking I think that’s a principle that we’ve got to hold to as well.»

Il est assez intéressant de constater combien Obama se trouve à la fois alerté devant l’immensité de la tâche qui l’attend et la difficulté de l’affronter, ainsi que devant la perception implicite que ce sont les événements qui dirigent et vont diriger son action plutôt que lui-même qui en décidera. Il est effectivement intéressant de voir un candidat s’interroger: par quoi commencer ?, et, finalement, ce même candidat ne répondant pas à sa question, mais voyant la réponse à sa question imposée par les événements.

Il est alors intéressant de constater que le candidat devenu président retrouve une certaine assurance, une fois qu’il rapporte que les événements ont décidé pour lui, pour prôner une action (contre la crise économique aux USA) typique de la situation incertaine où il se trouve, situation incertaine du point de vue économique, incertaine du point de vue politique et par rapport au système. Ainsi dit-il qu’il ne fera pas comme Roosevelt en 1933 parce que 2008 n’est pas 1933, tout en admettant aussitôt qu’il faut une action comme celle de 1933 au niveau de la psychologie («to send a message to Americans that we’re going to be thinking about them and what they’re going through»); au niveau économique plus précisément, il faut donc tout de même une action comme en 1933 (intervention du gouvernement) mais il faut également conserver et respecter le dogme impératif de 2008 (celui de l’idéologie libérale et américaniste qui juge comme un sacrilège l’interventionnisme ).

En quelques minutes (60, pour être précis), Obama nous a donc confirmé la sorte de difficultés qu’il affronte et l’état d’esprit où il se trouve: la conscience de l’extraordinaire gravité de la situation qu’il doit affronter, la reconnaissance que les événements gouvernent les choix plutôt que le contraire, la nécessité contradictoire où il se trouve de répondre aux attentes de ses électeurs et de respecter les dogmes du système de l’américanisme. L’interview est plus révélateur de la situation présente et des difficultés pour les dirigeants de l’affronter que nombre d’analyses

Mis en ligne le 18 novembre 2008 à 06H07